LA CHARTE DE FRANCHISE

 

 

Dans beaucoup de villes du nord et du midi, des cités ont obtenu de leur seigneur, dès le début du XIème siècle,des Chartes de Franchise.

En effet, celui-ci pouvait y trouver plusieurs avantages : en renonçant à une part de son autorité et de ses redevances, il pouvait recevoir, en contrepartie, une grosse somme d’argent qui renflouait ses caisses, au moment de la signature ou de la confirmation, et pouvait espérer un développement de la cité, ce qui allait lui rapporter de nouveaux revenus.

La Charte de Montferrand, octroyée en 1196 par la Comtesse et son fils Dauphin d’Auvergne, est en réalité la troisième du nom, mais elle est remarquable en plusieurs points.

Ainsi :[ …Monseigneur Guillaume, Comte de Clermont et sa mère la Comtesse, ont donné à tous les hommes et à toutes les femmes qui prendraient maison ou auraient en la ville de Montferrand bons usages et bonnes coutumes…]

Suivent 125 articles dont les 94 premiers pourraient être datés de 1196



 Art.8 Si l’on prend un peazo (terrain à bâtir), on doit y bâtir dans un délai d’un an, ou du moins le clore ; une fois le terrain bâti ou clos, même s’il est à l’abandon, le tenancier ne le perd pas, à condition de payer le cens au seigneur.

Les étrangers ont même la possibilité de s’affranchir de leur seigneur :

  Art. 9 Si un homme étranger soupçonné de servitude vient résider à Montferrand, s’il n’est pas réclamé dans un délai d’un an et un jour, il peut rester dans la ville comme un homme franc et il n’est tenu de répondre qu’à la communauté.

Mais surtout les Montferrandais étaient assurés de conserver leur bien même en cas de guerre,

  Art 83 Nul homme de Montferrand n’est tenu de suivre le comte en ost (guerre), ni en chevauchée, sauf s’il est spolié, et s’il les mène, ils ne doivent pas aller plus loin qu’ils ne puissent revenir le soir à Montferrand.

Ils n’ont même pas à acquiter de droit de sépulture, puisque le cimetière leur a été légué par le comte.

Mais le plus important pour l’enrichissement personnel des Montferrandais, est que la charte permet de taxer les marchands étranger et non les commerçants de Montferrand (la taxe s’appelle la « leyde ») (29 articles sont consacrés au détail des leydes dus selon les types de marchandises)

  Art 38 Marchands de draps, d’objets en fer, de fourrure, de cordouan, de cuir, de chaussures ou d’autres marchandises, qui viendront au marché ou à la foire donneront 6 deniers par an, soit 2 deniers par foire.

  Art 41 Une charretée de poisson, 6 deniers

  Art 64 pour un boucher trois cuisses de vache ou 2 sous

etc.…

  Art 39 Si un marchand vient à Montferrand et y déballe sa marchandise mais ne vend rien, il ne donnera pas de leyde

Les pourboires au collecteur de taxe sont mêmes interdits :

  Art 55 Le leydier qui porte la carte, ne doit rien prendre pour la remettre, mais doit se contenter de la leyde.

Mais en contrepartie de la leyde, les marchands forains étrangers sont protégés, ce qui était rare à l’époque et qui a fait le succès des foires de Montferrand par rapport à celles de Clermont

Les Consuls y apparaissent aussi comme les uniques administrateurs de la Cité.

Même si le Comte conserve un droit de justice par l’intermédiaire de son Bayle, il doit fréquemment demander l’avis des Consuls. Les Montferrandais peuvent même être quitte, en cas de désaccord en jurant :

  Art 112 S’il y a contestation sur le paiement du cens entre le comte et un habitant, si celui-ci affirme par serment qu’il a payé, il doit être cru.

Les Montferrandais sont même libres de se faire justice eux-mêmes :

  Art.102 Si des gens venaient à Montferrand pour faire du mal ou pour prendre des gages et que les hommes de Montferrand marchassent contre eux, que des coups fussent donnés et qu’il y eut mort d’homme, ils ne sont pas tenus d’en répondre au comte

Nommés pour un an, Les consuls gèrent le bien commun et peuvent même compter sur l’appui des gens d’arme du Comte en cas de résistance :

  Art.52 Si les consuls veulent lever denier de la ville pour les besoins de celle-ci et si quelqu’un fait difficulté, le bayle ou ses hommes doivent réduire sa résistance à la requête des consuls

Mais la charte intervient aussi dans la vie intime des Montferrandais ainsi elle protège les épouses des défaillances de leur mari (ce qui n’est plus le cas actuellement):

  Art.109 Si un homme de Montferrand ayant épouse et enfant était frappé d’une amende envers le seigneur pour une cause quelconque, l’épouse ne doit pas perdre sa dot pour une faute que son mari a faite, de même les enfants.

En revanche l’adultère est sévèrement réprimandé :

  Art 99 Qui couche avec l’épouse d’un autre, si c’est prouvé, on doit les faire courir par la ville et il est taxé de 60 sous envers le Comte à sa discrétion.

  Art 101 Si un homme s’enfuit avec l’épouse d’un autre, ou si une femme s’enfuit avec l’époux d’une autre, ils ne doivent pas revenir jusqu’à ce que, avec l’accord du seigneur et des Consuls, la Sainte Eglise ne les l’y autorise


Ainsi, d’après Pierre Charbonnier, qui a étudié de nombreuses chartes, celle de Montferrand n’est pas très originale, cependant, elle avait acquis une bonne réputation dans la région puisqu’elle a servi de modèle à de nombreuses cités d’Auvergne, comme Besse, le Cendre, Olliergues et même plus loin (Drôme, Forez, Berry).